Par Isabelle Mouilleseaux
Vous vous souvenez peut-être des performances du sucre de 2004 à 2006.
Rappelez-vous. En deux ans, son cours passait de 5 $ quasiment à 20 $ la livre. Fois quatre ! Le sucre était alors l’une des stars incontestées du marché des matières premières.
Puis un beau jour de janvier 2006… patatras. La tendance s’est inversée, et depuis cette date, le cours baisse, baisse, baisse, encore et toujours.
Cours du sucre en $ la livre
Le mouvement baissier se précipite
Alors que nous étions revenu début mai autour de 9,50 $ la livre, le marché a soudain violemment décroché mi mai. Touchant son plus bas niveau depuis deux ans. Une chute fracassante et soudaine de 5%. Tous les fonds et spéculateurs se sont mis à vendre massivement le sucre. Quasiment 10 000 contrats ont été vendus en un temps record ! A 50 tonnes le contrat, ça fait du volume !
Pourquoi ? Tout simplement parce que l’Inde et le Brésil ont annoncé une récolte exceptionnelle.
Mais reprenons les faits objectivement et avec un peu de recul.
Avons-nous assisté à un sell off généralisé ?
C’est bien la question que je me pose. Car certes, on s’attend à des productions record, mais cette information était déjà bien intégrée dans les cours. Nous sommes plutôt confrontés à un mouvement spéculatif tranché et massif qui a décidé de jouer le sucre à la baisse. Les investisseurs vendent le sucre. Il n’y a plus aucun investisseur acheteur actuellement sur le marché. Ils ont tous fui… On short à tout va.
Qui sont les acheteurs ? Devinez…
Il ne reste plus que les entreprises grosses consommatrices de sucre. Et elles se frottent les mains. Un tel cours est une aubaine. Les Coca Cola, producteurs de sucreries en tous genres et autres producteurs d’éthanol sont aux anges. Ils ramassent la mise… Jamais ils n’ont autant acheté de sucre depuis un an. Mais pour l’instant, ils ne font pas le poids face à la pression spéculative massive.
Le marché est tenu par les spéculateurs…
Le surplus de sucre trouvera-il preneur ?
La vraie question qu’il faut se poser est de savoir si le complément de sucre qui sera dégagé cette année et qui arrivera bientôt sur le marché, trouvera preneur ou non.
Première réponse : partout dans le monde, la production d’éthanol à base de sucre augmente. Rien qu’au Brésil, un exemple en la matière, on devrait cette année produire 20 milliards de litre d’éthanol. Donc peut-être y aura-t-il plus de sucre sur le marché cette année, mais ce n’est pas certain que ce sucre fasse pression sur les prix. Si la demande est là… Mais qui pourrait aujourd’hui l’affirmer ?
Si tout va bien, le Brésil devrait pouvoir exporter son éthanol vers les Etats-Unis. Le marché y est énorme et la demande d’éthanol en constante progression (+20% par an, voire plus).
Deuxième réponse : il n’est pas impossible de voir le Brésil conserver son sucre pour le transformer en éthanol et l’exporter, plutôt que d’exporter directement son sucre. Il y aurait donc moins de sucre que prévu qui arriverait sur le marché. Donc moins de pression directe sur les prix du sucre qu’anticipée.
Pourquoi ?
Parce que le prix du transport a explosé ces derniers mois. Jamais les prix du transport maritime n’ont été aussi élevés. Il faudrait probablement remonter à la crise de Suez en 1956 pour retrouver des prix aussi faramineux. Ils peuvent facilement atteindre 25% du prix de vente.
Or il est moins cher de transporter de l’éthanol que du sucre brut, beaucoup plus volumineux car non liquéfié. Donc d’un point de vue strictement économique, le Brésil, plus gros producteur, a intérêt à transformer son sucre chez lui plutôt que de l’exporter brut.
Je résume : le prix du sucre chute depuis des mois. Les prix ne sont plus très loin de leur bas historique. Sell off généralisé à des niveaux de cours bas. Tous les investisseurs acheteurs ont disparu. Seuls restent les spéculateurs qui jouent le cours à la baisse.
Parallèlement, la demande d’éthanol reste forte. Et les prix excessifs du transport militent pour une baisse des volumes de sucre brut arrivant sur le marché cette année. Donc une moindre pression sur les prix.
Question : serait-ce le moment d’entrer sur le marché ? Voyons ce que dit le graphique
Un graphique peu convaincant
Aucun signal d’achat clair en vue.
La seule chose que l’on peut dire, c’est qu’il existe une ligne de pullback sur laquelle on pourrait venir rebondir ; située autour des 8,20 $ la livre. Or pour l’instant nous ne l’avons pas touchée. Si on arrivait franchement à rebondir dessus, on pourrait alors viser les 11,5 $ la livre.
Depuis son décrochage il y a 10 jours, le sucre reprend des couleurs. Mais je crains que ce ne soit qu’un rebond purement technique. Pas un retournement.
Surveillez le sucre de près. S’il passait franchement en dessous des 8,20, nous pourrions encore plonger vers les 5 $ la livre sans problème. Et pour le coup, je serais alors franchement acheteur.
Quoi qu’il arrive, je vous conseille pour l’instant d’attendre, de ne pas vous positionner encore. Il est trop tôt. Nous ne maîtrisons pas le timing.
Dernier point très important ?
Sur le très long terme, je suis vraiment positive sur le sucre. Au jour d’aujourd’hui, et dans cette optique long terme, le sucre a clairement un potentiel de hausse beaucoup plus important qu’un potentiel de baisse.
Même si à court et moyen terme, la baisse pourrait l’emporter sur la hausse... Ce qui nous renvoie à la question du timing et à la durée d’investissement