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01/06/2007 Immobilier : l'angoisse de la contagion Les craquements sur les marchés étrangers peuvent-ils se répercuter en France ? Ce n'est pas impossible, même si l'Hexagone présente de solides points de résistance.
Pour José Moreno, promoteur immobilier à Fuenlabrado, au sud-ouest de Madrid, la grande braderie a démarré. Premier prix de ses maisons avec piscine : 84 000 euros, jusqu'à cinq fois moins que les tarifs pratiqués par ses concurrents. A Madrid, un réseau d'agences propose des rabais sur certains logements pendant la période des soldes. Dans toute l'Espagne, c'est le même scénario : les stocks gonflent à vue d'oeil, les prix stagnent, le client se fait rare. Un vent de panique a même soufflé lorsque la Caixa Catalunya a prédit une chute des prix aussi brutale qu'entre 1993 et 1996. Outre-Atlantique, le moral des constructeurs est au plus bas depuis onze ans. « Les mises en chantier de logements ont chuté de 30 % en un an, et les ventes dans le neuf, de près d'un tiers depuis le pic de l'été 2005 », se désole David Seiders, économiste en chef de la National Association of Home Builders, l'association des constructeurs américains. Hier l'Australie, aujourd'hui l'Espagne et les Etats-Unis. Et demain ? Une chose est sûre : l'angoisse de la contagion monte dans la plupart des grandes villes de la planète. Car l'euphorie immobilière de la dernière décennie a été quasi mondiale, n'épargnant que le Japon et l'Allemagne. « Généralement, le cycle de la pierre dure une dizaine d'années, notent les experts de l'OCDE. Pendant la phase d'expansion, environ six ans, les prix augmentent de 40 % en moyenne. Durant la phase ultérieure de contraction, de près de cinq ans, les prix diminuent d'environ 25 %. » Rien de tel aujourd'hui. A l'échelle mondiale, la hausse a dépassé 100 % depuis dix ans, alimentée par des taux d'intérêt historiquement bas et par un foisonnement d'innovations financières. En France elle avoisine 120 %. « Les prix ont presque partout été propulsés à des niveaux qui, par le passé, se sont révélés difficilement soutenables », assurent les experts d'Exane BNP Paribas. Souvent, le retour de bâton a été douloureux. Sur les 37 périodes de flambée des prix recensées dans le monde depuis 1970, 24 se sont terminées par des chutes effaçant entre un tiers et la totalité de l'envolée, selon l'OCDE. Le « la » du niveau des taux donné à Wall Street Reste à évaluer la capacité de résistance des grands pays - et de la France en particulier - à une onde de choc partie des Etats-Unis ou d'Espagne. La question n'est pas anodine : « 40 % des fluctuations des prix immobiliers dans un pays s'expliquent par des influences venues de l'étranger, qu'il s'agisse de la conjoncture économique globale ou d'évolutions plus spécifiques à l'immobilier mais communes à nombre de pays », estiment les économistes du FMI, qui ont ausculté les mouvements de la pierre sur une trentaine d'années dans 18 grands pays. Première explication à cette communauté de destin : l'environnement économique global. Le monde a connu ces dernières années un véritable âge d'or, avec une croissance qui a frôlé 5 % l'an - du jamais-vu depuis les Trente Glorieuses. Plus de 7 pays sur 10 dans le monde ont enregistré une croissance supérieure à 4 % en 2006, sans le moindre germe inflationniste. Du coup, les ménages, moins inquiets pour leur emploi, ont jugé le moment idéal pour se lancer dans des projets d'avenir. A fortiori avec des taux d'intérêt plus qu'incitatifs. Or ces derniers évoluent aussi à l'unisson. Pour les taux d'intérêt à long terme, qui déterminent la majorité des crédits immobiliers (sauf au Royaume-Uni et en Espagne, où les crédits à taux variable dépendant des taux des banques centrales sont majoritaires), le la est donné par les Etats-Unis. « Lorsqu'ils bougent à Wall Street, ils bougent dans le même sens à Paris dans 96 % des cas », souligne Mathilde Lemoine, directrice des études économiques de HSBC à Paris. Ces derniers temps, ils ont tendance à se tendre un peu, alors que l'économie américaine faiblit : on pourrait rêver meilleure conjonction ! Autre courroie de transmission : l'effet domino d'un marché à l'autre. La récente dégringolade des cours de Bourse des sociétés immobilières espagnoles a jeté le trouble au palais Brongniart. Pour une raison simple : les Espagnols détiendraient presque 30 % de la capitalisation des sociétés foncières cotées à Paris. En cas de problème chez eux, les particuliers étrangers (espagnols, anglais, américains, moyen-orientaux) pourraient rebrousser chemin après avoir massivement pris la route de la France. Ils représentent désormais 6 % des acheteurs, selon les notaires, et jusqu'à 15 % dans les départements prisés du Sud et de l'Ouest, ou dans les beaux quartiers de Paris. Qu'arrivera-t-il si l'immobilier s'effondre à Londres, où les prix sont stratosphériques, ou si les cours du pétrole chutent ? La démographie, protection antikrach Dernier grand facteur de contagion : la façon dont les banques appréhendent les risques. Si les impayés commencent à monter en flèche dans un pays où le marché de la pierre vacille, elles auront tendance à octroyer moins facilement des prêts dans d'autres pays en surchauffe immobilière. Et cela menace d'être le cas. Aux Etats-Unis, 2 millions de ménages sont au bord de l'insolvabilité. « Il ne faut pas exclure de fortes restrictions sur le crédit, dont l'effet pourrait se faire sentir hors des Etats-Unis », analyse Olivier Eluère, spécialiste du marché immobilier au Crédit agricole. Au-delà des Pyrénées, la Banque d'Espagne brandit des chiffres alarmants : l'endettement des Espagnols a atteint le record de 833 milliards d'euros en 2006, un bond de 18,6 % en un an, pour représenter plus de 120 % du revenu disponible. Les Français sont moins endettés, mais leur solvabilité s'est dégradée ces dernières années. Leur « taux d'effort », mesuré par le montant de leurs remboursements rapporté à leurs revenus, est passé de 25 % en 2000 à 31 % en 2006, un seuil jugé critique. Heureusement, si le marché immobilier français n'est pas à l'abri des vents mauvais soufflant de l'étranger, « il peut néanmoins compter sur des fondamentaux nationaux plutôt favorables », rassure Jean-Christophe Caffet, économiste à Natixis. « La démographie, par exemple, explique plus du tiers de la variation des prix de la pierre en France », observe Mathilde Lemoine. Le nombre de ménages a fortement progressé dernièrement (1,2 % par an) du fait de l'allongement de la durée de vie et de l'augmentation du nombre de célibataires, de divorcés et de familles monoparentales. D'où un besoin annuel de 300 000 nouveaux logements. Or l'offre n'a pas suivi. Autre élément de soutien : le bas niveau des taux d'intérêt, aux effets démultipliés par le succès des prêts à taux zéro. En 2006, 200 000 ont été accordés, et ce dispositif d'aide à l'accession à la propriété devrait prendre encore de l'ampleur cette année avec l'assouplissement des conditions d'éligibilité. Bref : vigilance accrue, oui ; panique, non ! Danièle Licata |
Par John Chan, 24 mai 2007, WSWS
Le marché boursier chinois, déjà survolté, a atteint de nouveaux sommets la semaine dernière. Le 9 mai, il a enregistré un volume d’échange journalier supérieur à tous les autres marchés asiatiques pris ensemble, y compris celui du Japon, la deuxième économie mondiale.
Selon le Financial Times, la valeur des actions traitées quotidiennement sur les marchés de Shanghai et de Shenzhen était de 5 milliards de dollars il y 6 mois. Le 30 mars, il est arrivé à hauteur de 16,4 milliards de dollars. Mercredi dernier, il a atteint 49 milliards de dollars - soit le double de celui du Japon et le triple des marchés combinés d’Australie, Hong Kong, Thaïlande, Singapour, Malaysie, Corée, Inde, Taiwan, Indonésie, Nouvelle-Zélande et Vietnam.
Même si cela ne correspondait qu’à moins de la moitié des 122 milliards d’actions traitées aux USA le 8 mai, le marché chinois des actions a éclipsé le volume échangé en Grande-Bretagne qui était de 29,4 milliards. En même temps, la capitalisation totale des bourses de Shanghai et Shenzhen, à 2200 milliards de dollars, est encore bien inférieure à celle du Japon qui est au niveau de 4700 milliards, et huit fois moins importante que celle des USA, qui est de 16 500 milliards.
Mais la montée rapide de la bourse chinoise n’est pas sans conséquence. En moins de deux mois, l’index agrégé de Shanghai est passé de 3000 à 4000 points. A ces hauteurs vertigineuses, on craint qu’une « correction » soudaine, violente, ait de profondes conséquences non seulement en Chine, mais au niveau international.
Fin février, une chute de 9 pour cent de la bourse de Shanghai avait déclenché une réaction en chaîne dans le monde entier, touchant même Wall street, qui avait subi sa plus grande baisse en un jour depuis les attentats du 11 septembre. Deux mois plus tard, un effondrement boursier en Chine pourrait provoquer une onde de choc internationale bien plus importante.
Même si la bulle spéculative actuelle concerne surtout des actions de classe A, réservées aux investisseurs locaux, presque tous les économistes ont fait état de risques pour toute l’économie chinoise. Pendant que le PIB chinois a augmenté de 10 pour cent l’an dernier, le principal marché actionnaire de Shanghai a crû lui, de 130 pour cent. Il a encore monté de 50 pour cent cette année.
Le ratio de rentabilité des actions chinoises est actuellement d’environ 50, comparé à 14-18 en moyenne pour le reste de l’Asie. Autrement dit, les prix payés pour les actions chinoises sont totalement hors de proportion avec les bénéfices des entreprises concernées. Malgré les avertissements répétés de la banque centrale, de membres du gouvernement et des économistes, la valeur des actions a continué de grimper.
Parmi ceux qui participent à cette frénésie d’achat boursier, il y a les classes moyennes des centres urbains, mais aussi des armées de travailleurs ordinaires ; ainsi quelque 300 000 à 500 000 comptes boursiers sont ouverts tous les jours. Fin mars, les investisseurs institutionnels comme les banques ne comptaient que pour 23,3 pour cent dans la capitalisation boursière totale, le reste n’étant que des petits investisseurs.
A la date du 10 mai, le nombre d’investisseurs boursiers inscrits en Chine dépassait les 95 millions. Parmi eux des étudiants, des femmes au foyer, des chauffeurs de taxi, et même des moines bouddhistes, sans parler des hommes d’affaires et des membres de professions libérales. La bourse est vue comme la baguette magique qui permet de s’enrichir du jour au lendemain. On rapporte que certains vendent leur maison, retirent leur retraite ou empruntent lourdement par carte bancaire pour pouvoir jouer à la bourse.
Un article de l’édition chinoise du site d’Asia Times du 9 mai, signale que presque un Chinois sur quatorze est désormais investisseur en bourse. Un fonctionnaire de Guangzhou affirme que 90 pour cent de ses collègues achètent des actions. Il dit : « Moi aussi, j’ai acheté pour 20 000 yuan de parts. Quand elles grimperont, je gagnerai en un jour plus que mon salaire mensuel. »
Ma Chunhui, professeur de communication à l’université de Shenzhen a réalisé une étude montrant que 10 pour cent des étudiants de première année de son université avaient investi en bourse. En quatrième année, le pourcentage est de 80 pour cent. Selon lui, « de plus en plus, la première chose que les gens font quand ils arrivent au travail, c’est d’allumer l’ordinateur et d’interroger la bourse. »
Un certain nombre d’analystes ont qualifié les petits investisseurs en bourse de « fous » . Mais leur conduite est la manifestation de processus déclenchés par les contradictions économiques que le Parti communiste chinois, malnommé, a favorisé en développant son programme d’économie de marché à tout va. Avec de maigres salaires et les prix toujours croissants des marchandises et des services tels que ceux de l’éducation ou de la santé, beaucoup de gens se tournent vers la bourse en espérant que celle-ci leur fournira une échappatoire.
La bourse avait été abolie après la révolution de 1949 et n’avait été rétablie qu’à la fin des années 80 pour correspondre à la nouvelle politique d’ouverture au capitalisme de Beijing. Dans les années 90, pourtant, même en pleine bulle spéculative immobilière, la bourse n’avait joué qu’un rôle économique mineur. Les hauts et les bas de la bourse chinoise n’influençaient pas fortement le marché financier mondial.
La tendance de ces dernières années est totalement différente. Pour garder la valeur de change du yuan au plus bas, afin d’assister les exportations, la banque centrale chinoise achète désormais dans l’année jusqu’à 500 milliards de dollars de devises étrangères, créant ainsi une énorme réserve de liquidités en Chine. Afin de maîtriser un excès de liquidités, la banque centrale a, en un an, relevé à sept reprises le taux de réserves obligatoire des banques et augmenté trois fois les taux de base. Mais ces mesures n’ont que peu affecté la bulle des investissements, le gouvernement craignant qu’une forte augmentation des taux d’intérêt ne provoque des faillites d’entreprises, une augmentation du chômage et des mouvements sociaux plus importants.
Les taux d’intérêts réels sont très bas : 2,79 pour cent seulement sur des dépôts à un an, soit moins que le taux d’inflation courant de 3 pour cent. Les revenus des obligations d’Etat sont aussi limités. Il n’est pas question d’investissements à l’étranger puisque le gouvernement limite les transactions en devises étrangères et l’exportation de fonds. En conséquence, des montants énormes se sont reportés sur l’immobilier et désormais, sur la bourse. Beaucoup de salariés voient dans la bourse leur seul moyen d’accroître leurs économies.
Un éditorial du Financial Times prévient : « un marché qui croît de 200 pour cent en moins de 18 mois, et des échanges avec un ratio de rentabilité d’environ 50, cela ne constitue pas nécessairement une bulle. Mais si ça ressemble à un crocodile et sourit comme un crocodile, il vaut mieux le traiter comme un crocodile, au cas où... La bourse chinoise s’est gonflée à un niveau préoccupant et, à cause de la politique chinoise et de l’état de son économie, elle pourrait s’enfler plus encore avant de chuter. »
Le dernier plongeon de la bourse chinoise en 2001 n’a affecté qu’une petite classe d’investisseurs aisés. Mais cette fois, les conséquences d’ordre social pourraient être bien plus sérieuses, puisque le nombre des investisseurs approche désormais les 100 millions. Beaucoup pourraient tout perdre - leur maison, leurs économies, leur retraite - dans une cruelle leçon d’économie capitaliste. Les conséquences sociales et politiques pourraient se révéler explosives.
Source http://www.wsws.org/