jeudi 12 avril 2007

Dossier: les dérivés de crédit...armes de destruction massive


Nous avons tous en tête une vision « traditionnelle » du crédit : l’emprunteur va demander à sa banque un prêt, cette banque va ensuite évaluer le risque associé à cet emprunteur et décider ou non de lui accorder le prêt.
En cas de défaut de l’emprunteur, la banque en supporte les conséquences et a donc intérêt à bien évaluer le risque qu’elle prend quand elle prête de l’argent. C'est comme cela en tout cas que devrait fonctionner une économie raisonnable et sensée !
Depuis quelques années, cette vision ne correspond plus à la réalité, essentiellement à cause de deux « inventions » redoutables (que le meilleur investisseur au monde, et aussi un des hommes les plus riches de la planète, Warren Buffet, a qualifié « d’armes de destruction (financière) massive »)
Ces inventions se nomment « CDO » (collateralised obligation debt) et dérivés de crédit « CDS » (crédit default swap).
  1. Les CDO sont des sortes de packages de dettes que les grosse banques vont revendre à des hedge funds ou à des fonds de pension, qui prendront le risque à la place de la banque en échange des intérêts fournis par le « package. »
  2. Les CDS sont des sortes d’assurances contre une défaillance de l’emprunteur : le vendeur de CDS s’engage à rembourser à sa place en échange d’une prime variant en fonction du marché et de la qualité de l’emprunteur.
La finance moderne est donc en train de transférer la gestion du risque qui constitue le métier normal d'un banquier vers des fonds (hedge funds et fonds de pension spécialisés) qui n’ont aucune notion de ce qu'est le métier de banquier et dont la vocation est de spéculer (par exemple sur les fluctuations de cours des dérivés de crédits et CDO qu’ils possèdent).
A leur tour, ces fonds peuvent se revendre entre eux ces dérivés de crédits et CDO qui se répandent ainsi dans tout le système.
Les banques aujourd’hui peuvent donc prêter à des clients douteux et à haut risque en se disant « en cas de problème, un autre paiera à ma place ».
Seul petit problème : comment les hedge funds et autres fonds de pension paieront leurs garanties aux banques en cas de problème ?
Le risque associé au crédit ayant été répandu dans toute la sphère économique, on ne sait plus aujourd’hui qui devra payer en cas de problème…
Le problème étant justement en train d’arriver avec la vague de faillites immobilières en cours aux USA.
Une petite phrase de Kenneth D. Lewis montre a quel point les plus grands financiers sont dépassés par cette croissance anarchique des dérivés de crédit. : « it makes my head swim » (« ça me fait tourner la tête »).
Ca ne serait pas très grave si Kenneth D.Lewis était un petit étudiant en économie…Le problème est qu’il est le PDG de la "Bank of America", le plus grand établissement financier des USA, qui utilise donc massivement les dérivés de crédit…tout en n’arrivant plus à en comprendre le marché et les risques associés.

Dans l'article précédent, j'ai expliqué ce qu'était les CDO et les dérivés de crédit et le danger qu'ils représentaient. On va maintenant étudier de plus près le développement du marché des dérivés de crédit depuis 5 ans.
Voici le graphique montrant l'évolution du montant notionnel des dérivés de crédit en l'espace de 5 ans (source : http://www.isda.org/).
Les chiffres sont assez incroyables, puisqu'on est passé de 2001 à mi 2006 d'un montant de 631 milliards de $ à 26 000 milliards de $ (Non, il n'y a pas d'erreur de 0, et cela correspond bien à plus de 2 fois le PIB des USA !)
Donc on a eu une multiplication par 43 du montant des dérivés de crédit en l'espace de 5 ans. Tout cela évidemment sans aucun contrôle ou garde-fou de la part des autorités américaines.
Tant que la situation économique est bonne et que les emprunteurs ne font pas faillite, le système fonctionne (ça a été le cas de 2002 à 2006) et les politiques s'émerveillent de cette « dispersion des risques » et de la nouvelle « sophistication de la finance ».
Mais le jour où beaucoup d'emprunteurs seront en défaut en même temps, les hedge funds ou autres fonds divers devront payer à la place des emprunteurs pour honorer leurs contrats vis à vis des banques.
Et ils ne seront probablement pas en mesure de le faire, vu que :
1) leur métier est de spéculer, pas de jouer le rôle d'un banquier.
2) leur capacité à faire face à cette situation n'est contrôlée par aucune autorité et qu'ils ont pour habitude d'utiliser de gros effets de levier, achetant beaucoup plus d'instruments financiers que ce qu'ils ont réellement en caisse (en empruntant une fois de plus évidemment).
Dès que les hedge funds seront pris en défaut, les grandes banques qui se croyaient assurées contre les faillites des emprunteurs par leurs dérivés de crédit vont « découvrir » que leurs « assureurs » ne peuvent honorer leur contrat...
Le risque crédit ayant été répandu dans tout le système, ce sera alors le début de la chute d'un immense château de cartes impliquant à la fois hedge funds, fonds de pension, grandes banques internationales (y compris des banques européennes lourdement impliquées dans le marché des dérivés de crédit).
Cette chute entraînera en retour (et accélèrera) une profonde récession économique avec un effondrement de la consommation et une nouvelle vague de faillites personnelles. Une bulle de crédit ne disparaît pas sans qu'il y ait de la casse !
Même si les banques françaises sont en principe un peu moins engagées, pensez à avoir une banque solide : Une banque régionale ou nationale peu impliquée dans ces dérivés de crédit, ou une banque d'état comme la banque postale !
Source : tropicalbear.over-blog.com

Une Vidéo du blog reprennant ce concept:


ICI