Ancien responsable du trading Equity-link d’Ixis, Rémy Pierre a fondé avec ses anciens collègues, la société de gestion ANAKENA. Pratiquant une approche « opportuniste », le fonds atteindra son objectif de gestion cette année malgré la crise estivale ...
1. Vous avez été pendant plusieurs années Global Head of Equity linked products chez Ixis. Pourquoi avez-vous choisi de monter votre propre Hedge fund ? Plus de libertés ? Un nouveau challenge ?
Après plus de 9 années passées chez Ixis, j’ai eu en effet l’envie de créer mon propre Hedge Fund .
J’ai été durant plus de 15 ans Trader pour Compte propre au Crédit Lyonnais puis chez Ixis sur une gamme variée de produits et mon objectif a toujours été de générer de la performance indépendamment des conditions de marché. Ainsi, le passage à la gestion alternative et la création d’un fonds de relative value réellement décorrelé était un aboutissement assez naturel.
Fin 2005, j’ai estimé que j’avais à la fois l’équipe pour me lancer dans cette aventure, une équipe aux compétences solides et complémentaires, soudée par près de 9 années de résultats positifs dans des situations de marché très variées et parfois difficiles, mais aussi que le marché, après trois années de hausse continue sans grande volatilité, devait à nouveau devenir plus volatil ; ce qui favoriserait nos stratégies d’investissement.
Enfin, l’aspect entrepreneurial et l’idée de créer cette structure en France comme ont pu le faire un certain nombre de mes pairs à Londres correspondaient à une envie très forte et à un challenge qui a fini de nous convaincre de nous lancer dans la création de notre société de gestion.
2. Quelles sont les difficultés auxquelles on fait face lorsqu’on monte un Hedge fund ? Quels sont aujourd’hui vos encours sous gestion ?
Lorsque l’on monte un hedge fund, la première difficulté est bien sur de disposer d’une équipe. La seconde étape clé est la levée de fonds. Je suis à cet égard très reconnaissant à mon ancien employeur, Ixis, de m’avoir soutenu dans cette aventure en tant que premier investisseur.
Il a fallu également, bien sûr, aborder des problématiques très diverses allant du droit Caymanais à la réparation de la photocopieuse !
Nous avons pu trouver à Paris des partenaires de qualité (Juristes, organisation, ...) qui nous ont beaucoup aidés à débroussailler cet univers que nous découvrions.
Enfin, L’Autorité des Marchés Financiers, a été de précieux conseil et nous a permis de bien appréhender tous les problèmes inhérents à la création d’une société de gestion. Après 14 mois d’activité nous gérons aujourd’hui 200 millions de dollars.
3. Selon vous, qu’est ce qui fait la force d’Anakena ?
La force d’Anakena réside à mon sens dans la cohésion, l’organisation et la complémentarité de son équipe de gestion.
Nous n’avons pas dans notre fonds une poche particulièrement dédiée à un type de stratégie donné (Convertible, Credit , Equity...). Au contraire nous avons une démarche très opportuniste dans la création de notre portefeuille de gestion.
Cette approche combine une approche « Bottom up » dans la sélection des idées, des valeurs et des stratégies mises en place et une approche « top down » pour piloter et équilibrer les expositions macroéconomiques du fonds (marché action, marché du crédit ou de la volatilité).
Enfin, la gestion du risque (Stress tests, VaR) est très présente dans notre prise de position. Le contrôle des risques n’est pas pour nous un frein à la gestion mais au contraire un outil d’aide à la décision qui nous permet en temps réel de réagir et de calibrer notre portefeuille en fonction des conditions de marché.
4. Comment avez-vous géré la crise des « subprimes » ? Comment seront réajustés vos objectifs de rendement cette année ? Sous quelle contrainte de volatilité ?
Notre approche de gestion est très équilibrée et nous essayons, lorsque nous prenons un risque particulier, de le compenser par une couverture que nous estimons meilleur marché.
Nous ne traitons pas de produits structurés de crédit et n’avons donc pas été impacté par les problèmes de valorisation liés à ces instruments. Enfin, Le leverage de nos positions étant directement corrélé aux risques pris, cela nous interdit des effets de levier inconsidérés et nous oblige à réduire nos positions en cas d’augmentation du risque.
Par ailleurs, la volatilité des marchés n’est pas un obstacle à notre gestion, au contraire. Nous essayons de profiter de la dislocation des valorisations des principales classes d’actifs pour mettre en place des arbitrages et, plus le marché est nerveux, plus ce type d’opportunité apparaît.
Notre objectif de gestion, autour de 12% sous une contrainte de volatilité inférieure à 5%, n’a pas été modifié et sera atteint cette année. Nous avons toutefois, pour valider la robustesse de notre mode de gestion, voulu au cours de notre première année de gestion veiller à obtenir des performances positives chaque mois, ce que nous avons réalisé, peut-être au détriment de certaines opportunités.
5. Les hedge funds sont régulièrement accusés de tous les maux. Cet été, plusieurs hommes politiques suggéraient qu’ils étaient à l’origine de la crise des « subprimes ». Quelle est votre analyse de la situation ? Quel rôle jouent les fonds alternatifs sur les marchés ?
Je ne pense pas que les Hedge Funds soient à l’origine de la crise des Subprimes.
Ce ne sont pas les hedges funds qui accordent des prêts à des clients peu solvables puis qui les structurent et les revendent avec un gain substantiel ou créent des SIV.
Les hegde funds ont pu être les acheteurs de ces produits sans toujours peut être bien en évaluer les risques ou en les négligeant.
Le reproche qui peut être fait à certains Hedge Funds est d’avoir leverager de manière extrême des produits à faible rentabilité et aux risques mal maîtrisés dans le but de générer de la performance.
Le rôle de la gestion alternative est à mon sens, d’offrir une réelle troisième voie d’investissement, ambitieuse mais régulière et décorrélée des performances des différents marchés de capitaux.
Rappelons que le mot « Hedge » n’est pas, pour nous, synonyme de spéculation, mais signifie protection.
6. Il y a aujourd’hui plus de 8.000 Hedge funds dans le monde et à peine une centaine en France, qui regorge pourtant de financiers de talent. La réglementation y est elle trop contraignante ou les gérants et les traders français sont-ils trop frileux ?
Il est sûr que la France est aujourd’hui très bien représentée à Londres tant par le nombre que la qualité de ses acteurs financiers.
Si nous avons eu la chance d’être soutenu par Ixis, il est vrai que cette démarche de soutien d’anciennes équipes de trading par une banque est beaucoup moins courante en France qu’à Londres ou à New YorK.
La réglementation n’est pourtant plus aussi contraignante qu’elle a pu l’être par le passé et l’Autorité des Marchés Financiers a, à mon sens, une démarche très positive quant au développement des Hedge Funds à Paris tout en veillant à proposer des fonds dont les risques tant opérationnels que de marché soient bien maîtrisés.
Le frein concernant le développement de cette industrie en France est probablement plus lié à la réglementation qui encadre les investissements directs des institutionnels dans ce type de fonds.
Franck.Y, Next Finance, le 17 décembre 2007