EVOLUTION PROBABLE DES MATIERES PREMIERES 2008 - 2015
Par El Mostafa Belkhayate
Au Maroc, tout va pour le mieux : l’immobilier est en pleine forme pratiquement dans toutes les villes, la bourse fait gagner de l’argent et attire de plus en plus d’investisseurs, même ceux qui n’ont jamais eu de compte bancaire, et les capitaux étrangers affluent dans le pays. Seule ombre dans ce tableau idyllique : la hausse des prix des matières premières que le Royaume importe. Une hausse qui se répercute de plus en plus concrètement dans la poche des plus pauvres ; blé, sucre, maïs, huile, carburant etc. deviennent de plus en plus chers mais surtout menacent d’augmenter encore davantage. Jusqu’à quel niveau ?
L’analyse technique et graphique qui est la seule à même de nous répondre avec un maximum d’objectivité nous donne un verdict sans appel : les matières premières vont continuer à flamber.
Nous allons voir pourquoi en analysant les relations techniques entre les différents marchés financiers et nous proposerons une solution pour nous protéger de cette tempête qui s’annonce violente.
Pouvoir prédictif de l’analyse graphique :
Je souhaite tout d’abord rappeler ma réponse au journal français Capital, publiée en Juillet 2007, pour d’une part, mettre en relief le pouvoir de l’analyse graphique, et d’autre part expliquer l’une des causes majeures de la hausse future des taux d’intérêts sur les 5 prochaines années (et par conséquence directe la hausse des matières premières)
Capital.fr : A presque 1,34 dollar pour un euro, le billet vert se situe à un plancher de deux ans face à la monnaie unique. Comment devrait évoluer la devise américaine, à moyen terme ?
Mostapha Belkhayate : La devise américaine va faiblir contre toutes les devises. Je ne serai pas étonné de voir d'ici la fin 2007 l'euro grimper à 1,45 dollar. Et le yen s'envoler face au billet vert, asphyxiant ainsi tous ceux qui ont emprunté la devise japonaise. Aujourd’hui le marché boursier souffre d’un dysfonctionnement qui ne peut pas durer éternellement : le principe naturel des vases communicants a disparu. Dans un marché sain, quand les actions montent, les obligations baissent, quand les bons du trésor chutent, les matières premières montent, quand l’argent quitte un continent, on le retrouve sur un autre. Mais depuis dix ans on assiste à un phénomène étonnant : tous les secteurs progressent, partout dans le monde. Il y a donc anguille sous roche ! L’explication est simple : un excès de liquidité inédit gonfle tous les secteurs boursiers, y compris l’immobilier et l’art. Cette surliquidité prend sa source au Japon. Depuis des décennies, la banque centrale prête de l’argent gratuitement (c’est-à-dire avec un taux insensé de 0%) au reste du monde. Des milliers de milliards qui sont aussitôt convertis en dollars, en livres sterling,… et investis à tort et à travers dans tous les compartiments boursiers. Les fonds spéculatifs s’en sont donnés à cœur joie pour utiliser au maximum l'effet de levier avec cette manne d’argent bon marché. L’heure de régler les comptes est arrivée. Il va y avoir la cohue au guichet japonais : les montants en jeu sont tout simplement astronomiques ! Cet assèchement de la liquidité mondiale va entraîner une baisse généralisée des actions, des obligations, des devises, de l’immobilier ainsi que de tous les placements spéculatifs. Je suis surpris que les professionnels ne perçoivent pas ou ne veulent pas entendre le grondement annonciateur de ce tsunami financier. D’autant que la Chine ne va pas rester les bras croisés avec ses 1.000 milliards de dollars, dont la valeur risque de s'évaporer.
Aujourd’hui, en ce mois de décembre, l’euro est à 1,4750 et le yen a effectivement bien entamé sa remontée. Et le problème des subprimes aux USA vient de pointer son nez. La tempête gronde. Il faut être sourd pour ne pas vouloir l’entendre.
Pour moi, l’indicateur le plus important pour avoir une visibilité sur toute la planète financière est la devise japonaise. Plus elle va monter, et plus des centaines de châteaux de cartes vont s’écrouler de par le monde.
Le Japon en confiance
Le comportement des japonais est un bon indicateur sur l’évolution probable des taux d’intérêt, aux Etats-Unis en particulier, et dans le monde en général. Le mouvement actuel de la bourse de Tokyo anticipe une remontée des taux d’intérêt. Les actions japonaises montent avec force depuis le début de l’année. Elles ont entamé une belle divergence avec le marché actions américain. Cela indique que les professionnels nippons retirent des capitaux des USA pour les loger dans les actions locales. Autrement dit, les T. Bonds américains sont considérés comme baissiers sur les mois à venir.
Sur ce graphique, la première courbe représente les actions japonaises, la seconde les actions américaines et la troisième (en jaune) représente leur rapport. Il est clair que ce rapport vient de casser une forte résistance pour entrer dans une dimension nouvelle. Cette cassure signifie que les japonais et les investisseurs étrangers privilégient le marché de Tokyo à celui de New York. Pour nous, cela signifie surtout que le loyer de l’argent va devenir de plus en plus coûteux.
Les matières premières et les Taux d’intérêt
Mais pourquoi donc avons-nous commencé par vous montrer que le coût de l’argent va monter ? Tout simplement parce qu’il y a une relation directe entre ce coût et celui des matières premières. Ils vont dans le même sens !
Les matières premières sont en train d’anticiper aujourd’hui la hausse des taux d’intérêt. Et si effectivement, comme nous l’avons vu, ces taux grimpent, la tendance haussière des matières premières sera non seulement confirmée mais va s’accentuer.
Pour le lecteur qui se perd dans le labyrinthe des relations inter marchés, je présente ci-dessous deux graphiques simples qui en disent long sur la hausse très probable des matières premières
La population mondiale augmente de plus en plus vite
Nous serons plus de 9 milliards en 2050, car la progression de la population mondiale est d’environ 100 millions de bouches à nourrir par an. La consommation des matières premières en Chine et en Inde (deux grands pays en pleine croissance économique) ne pouvant reculer, et la production étant par essence même limitée, les prix vont monter et monter. Cette donnée à elle seule suffit pour prendre conscience du mouvement futur des matières premières.
Prenons 80 années de recul pour avoir une idée de ce que représente aujourd’hui leur niveau de prix :
Sur ce graphique qui représente l’indice des matières premières ajusté à l’inflation, Peter Zihlmann montre que le niveau actuel des matières premières est relativement bas. Nous pouvons, nous devons nous attendre à une forte accélération sur les prochains mois, voire les prochaines années. Le potentiel de hausse nous apparaît soudain considérable.
Une telle amplitude de mouvement signifie que nous entrons dans un cycle économique et financier nouveau.
L’or au plus haut depuis 30 ans
La locomotive des matières premières est le roi des métaux : l’or. Ceux qui ont suivi mes conseils savent maintenant pourquoi il monte. Et surtout pourquoi il va encore accélérer !
L’or est aujourd’hui à ses plus hauts historiques. J’ai expliqué sans répit durant ces quatre dernières années pourquoi il allait flamber et que le Maroc pourrait en tirer un large profit.
Malheureusement pour mon pays, j’ai prêché dans le désert…
Dans la foulée, le pétrole va continuer à monter. De même que le blé, le maïs, le soja et toutes les matières premières réunies. Devons nous rester encore une fois les bras croisés ?
Explosion du Blé
Le blé est une matière essentielle pour le Maroc. Voici notre analyse :
Depuis 1975 il n’a fait que baisser. Mais il vient récemment de casser une résistance (ligne jaune) qui est très significative : il y a désormais un retournement de tendance sur ce marché. Je recommande aux importateurs marocains de ne pas hésiter à se protéger contre sa hausse sur les prochaines années. Le sucre présente également la même configuration.
Se protéger contre la tempête
Les marchés à terme sur les devises et les matières premières permettent aux opérateurs de se couvrir contre les mouvements qu’ils souhaitent éviter. Les opérateurs marocains ont deux possibilités : demander à une banque locale de les couvrir, ou d’avoir un accès direct aux marchés internationaux et se protéger grâce aux conseils conseiller de leur banquier d’ un consultant spécialisé. Les deux solutions sont d’ailleurs compatibles, l’essentiel étant de ne pas rester vulnérable en cas de forte volatilité des marchés.
Un importateur de produits agricoles par exemple, pourrait ouvrir un compte auprès d’un courtier international et prendre des positions en options et en futures de manière à éliminer non seulement son risque sur le prix de la marchandise mais également sur le risque de change.
En période d’inflation des prix telle que nous la vivons, la couverture sur les marchés à terme devient indispensable pour les opérateurs marocains privés et publics. A eux de trouver la formule adaptée à l’esprit de leur entreprise.
El Mostafa Belkhayate