mardi 18 décembre 2007

Marchés et croissance : 2007, comme 1987 et 1997.

ACDEFI - 18 décembre 2007

Existerait-il un cycle décennal sur les marchés, avec le 7 comme chiffre porte-malheur du moins en apparence ? En effet, les années 1987, 1997 et 2007 font apparaître des similitudes troublantes. Ainsi, lors de la première partie de chacune de ces trois années, la croissance mondiale paraissait solide et les marchés financiers en excellente santé. Puis, pour des raisons certes différentes, le vent a tourné radicalement en milieu d’année, laissant craindre le pire pour l’année suivante.

En 1987, Le déficit extérieur américain augmentait de plus en plus et se dirigeait vers les 35 milliards de dollars (ce qui paraissait extrêmement grave à l’époque…). Dans le même temps, le nouveau Président de la Réserve fédérale américaine (nommé le 11 août 1987), Alan Greenspan, ne cessait de brandir la menace d’une hausse des taux directeurs pour faire face à un pseudo-risque inflationniste, engendrant une très forte hausse des taux obligataires, jusqu’à 9,5 % fin septembre pour le dix ans américain.

La déclaration du secrétaire d’Etat au Trésor de l’époque sur le déficit extérieur américain et la nécessité d’un dollar plus fort est d’eau qui fait déborder le vase. Les cours boursiers ayant fortement augmenté au cours des mois précédents, les investisseurs prennent donc leurs bénéfices et vendent massivement leurs actions. La chute est vertigineuse : en une journée (le 19 octobre précisément), le Dow Jones chute de 22,6 % entraînant dans son sillage l’ensemble des bourses mondiales. Tous les économistes sont alors formels : la crise est grave et 1988 sera une année de récession.

Dix ans plus tard, bis repetita. Cette fois-ci, le théâtre initial des opérations est l’Asie. A l’époque, tous les observateurs veulent croire que les Tigres et Dragons d’Asie sont intouchables et connaîtront une croissance de plus en plus forte. Malheureusement, leurs déficits se creusent, leurs monnaies sont attaquées, leurs taux d’intérêt augmentent fortement et, par là même, leurs bourses s’effondrent, entraînant en octobre l’ensemble des places occidentales. Une fois encore, les économistes et prévisionnistes boursiers sont formels : une récession mondiale se produira en 1988.

Enfin, en 2007, l’histoire se répète à nouveau : il y a environ un an, certains anticipaient une surchauffe aux Etats-Unis et demandaient à la Réserve fédérale américaine d’augmenter ses taux directeurs ou du moins de ne pas les baisser. Malheureusement, par manque d’expérience ou par timidité, Ben Bernanke, élu depuis seulement quelques mois à la tête de la Fed, n’a pas osé les contredire. Après avoir augmenté le taux objectif des federal funds à 5,25 % en juin 2006, il le maintient ainsi à ce niveau en dépit du dégonflement de la bulle immobilière et du ralentissement économique qui ne cessent de s’imposer outre-Atlantique.

Ce qui devait arriver, arriva : asphyxiés par des taux trop élevés, certains ménages font faillite, les organismes de subprime s’écroule, les banques mettent un genou à terre et les entreprises revoient à la baisse leurs décisions d’investissement. Les marchés se mettent alors à craindre le pire et se lancent dans une vague de pessimisme aggravé. Et ce d’autant que, comme en 1987 et 1997, presque tous les prévisionnistes sont formels : en 2008, ce sera la récession !

Pourtant, comme en 1987 et en 1997, la majorité des économistes aura tort. En effet, à l’instar des années 1988 et 1998 qui ont consacré des niveaux de croissance soutenue, notamment grâce à l’intervention rapide et à la bienveillance de la Fed, 2008 devrait être une année de croissance certes ralentie mais appréciable. Du moins au niveau mondial (4,2 %) et aux Etats-Unis (2,7 %). Ce qui permettra de relancer les marchés boursiers internationaux, qui bénéficieront également de forts mouvements de fusions-acquisitions et sachant qu’au surplus il n’y a pas aujourd’hui de pénurie de liquidités au niveau mondial, ces dernières se situant néanmoins davantage dans les pays émergents que dans les pays dits développés. C’est d’ailleurs là l’une des grandes différences avec les années 87 et 97.

L’autre grande différence réside dans le fait qu’en matière d’amélioration économique, l’Europe et plus particulièrement la zone euro, risquent, une fois encore, de rester sur le bas côté. En effet, si toutes les banques centrales ont et vont encore réduire leurs taux directeurs, la BCE s’obstine, suscitant une forte hausse des taux à trois mois, qui dépassent de 0,9 point le taux au jour le jour. Dès lors, les banques eurolandaises risquent de limiter encore plus leur octroi de crédit, tant pour les ménages que pour les PME. En outre, en 2008, la zone euro devra payer de nombreuses factures : l’euro trop fort, une politique monétaire trop restrictive, le ralentissement de la croissance mondiale, la fragilisation de la situation financière des ménages et, pour nous Français, le dégonflement de la bulle immobilière et l’absence de réformes structurelles notamment en matière fiscale et réglementaire. Autant de phénomènes qui sont déjà présents mais dont les effets se feront vraiment sentir l’an prochain. Ce qui se traduira par une croissance de 1,6 % en France et 1,7 % dans la zone euro.

Dans ce cadre, 2008 devrait être une année satisfaisante pour la croissance mondiale, l’économie américaine et les marchés boursiers, mais une piètre année pour les Eurolandais qui, en guise de vœux, n’auront d’autres choix que les deux mots suivants : Vivement 2009 !

Marc Touati