samedi 19 janvier 2008

Une crise toujours mal évaluée...


Source :
blog de Loïc Abadie

Les déclarations récentes de Bernanke et du président Bush marquent une nouvelle étape dans la crise qui frappe les USA et commence à faire sentir ses effets en Europe :

En 2006, et même sur une bonne partie de 2007, les dirigeants des USA considéraient que le problème n'existait tout simplement pas :

Selon eux, l'économie était robuste, les fondamentaux solides, les bénéfices des entreprises florissants et le risque parfaitement maîtrisé.

Cette fois, face à déterioration de plus en plus rapide des conditions, ceux-ci bien sont obligés de reconnaître l'existence d'un problème sérieux :

Bernanke vient à demi-mot de reconnaître l'impuissance de la FED par cette petite phrase :
"des aides fiscales et monétaires ensembles pourraient constituer un meilleur soutien que des décisions monétaires seules"...ce qui est une façon diplomatique de dire que la FED et ses baisses de taux ne pourra pas faire grand chose (ce que nous savions déjà depuis pas mal de temps !).
Il vient également de "refiler la patate chaude" au président Bush en lui "suggérant" la nécessité un plan d'urgence.

De son côté, Bush a répondu présent et propose un plan de 145 milliards de $, axé sur des déductions fiscales pour les ménages et entreprises.

Nous entrons donc maintenant dans une période ou les dirigeants et experts reconnaissent le problème, mais refusent de voir sa vraie nature :
Le vocabulaire employé par la majorité des analystes est révélateur de leur incompréhension du phénomène : "crise bancaire", "crise des subprimes", "crise financière".
Comme ce n'est donc pour eux qu'une "crise des subprimes", alors effectivement on comprend que le problème ne leur paraît pas si grave : au pire 400 ou 500 milliards de pertes à compenser sur 3 ans, ou 150 milliards par an : le plan Bush suffirait dans ce cas, après tout 400 ou 500 milliards de déficit budgétaire n'augmenterait le ratio dette publique / PIB des USA que de 3% sur 3 ans, autant dire pas grand chose (et cela pourrait même être compensé en partie par un désengagement sur l'Irak).
Cette analyse fausse au départ amène à des conclusions fausses : la croissance aurait quelques ratés au 1er semestre 2008, ou sur 2008 dans le pire des cas, et repartirait une fois le problème "subprime" réglé...et tout continuerait ensuite comme avant. Un peu comme un gros épisode "LTCM", du nom du hedge fund qui avait provoqué une petite crise financière en 1998.

Mais en réalité, ce que nous observons est une crise du crédit et de la consommation au sens large (crise systémique), c'est à dire que le système basé sur une expansion du crédit à 4000 milliards de $/an et un taux d'épargne des ménages nul est en train de caler.
Nous avons alors un problème à 4000 milliards de $ par an au lieu de 150 milliards...et plus si le crédit se contracte. Et là, il dépasse largement les moyens d'action de Bush ou de la FED.

Qui peut croire sérieusement après un minimum de réflexion que le crédit pourra augmenter comme avant sans le support de la hausse de l'immobilier, sans le support des crédits à risque, et dans un environnement où chaque $ de fonds propres détruit au sein des banques par les dépréciations d'actifs à risque diminue de 10$ la capacité de ces banques à produire de nouveaux prêts ?

En France, nos dirigeants sont encore dans le même état d'esprit que ceux des USA en 2006 : Le problème n'existe tout simplement pas chez nous, et la France se situe sur une autre planète !

Quelques citations amusantes à relire dans 2 ou 3 ans :

De Nicolas Sarkozy (janvier 2008) : "On n'est pas dans une récession, la France tient mieux que les autres, on est dans une croissance autour de 2%, nous avons des chiffres d'emploi qui sont excellents et un taux de chômage qui n'a jamais été aussi bas"...Oui, exactement comme aux USA en 2006 d'ailleurs.

De Christine Lagarde (janvier 2008) : "Les marchés financiers et monétaires se trouvent dans un processus d'amélioration graduelle"...Les petits porteurs seront donc très heureux d'apprendre qu'ils ont lu à l'envers les graphiques du CAC40.

Un point sur l'actualité pour finir :

- Les pertes bancaires officiellement reconnues pour le moment se montent déjà à plus de 100 milliards de $ selon David Gaffen du Wall Street Journal. Un petit début.

- Les mises en chantier ont reculé de 14% en un mois et de 38% en un an, l'allure graphique de cette baisse (vitesse et ampleur) rappelle pour le moment celle de 1975, mais elle risque de dépasser par la suite tout ce qui a été observé jusqu'ici.



- L'indice Philly Fed a plongé brutalement en janvier, pour passer en dessous du seuil de -20.
Ce seuil n'avait pas été atteint depuis la récession de 2001 et a souvent indiqué dans le passé (depuis 1970) les récessions. Ce n'est pas un indicateur avancé, dans le passé, quand cet indice a franchi cette barre des -20, l'économie était déjà en récession ou sur le point d'y entrer.