mercredi 9 janvier 2008

L'or et l'inflation : main dans la main...

L'or et l'inflation : main dans la main... (I)
Isabelle Mouilleseaux


Le seuil fatidique se rapproche
Les derniers chiffres concernant l'activité américaine ne font que confirmer dans les faits les anticipations pessimistes. Ce qui est très peu rassurant. L'économie ne crée quasiment plus d'emplois. Le taux de chômage repart à la hausse (à 5%). Quant à l'indice d'activité du secteur des services (un chiffre clé), il s'inscrit en baisse à 53,9 points en décembre. Il se rapproche de plus en plus du seuil fatidique des 50 points, seuil en deçà duquel l'économie est déclarée effectivement en récession.


La bête noire s'est échappée
Parallèlement à la déliquescence de l'économie américaine, le risque inflationniste se fait de plus en plus pressant (3,5% en Europe, 4% aux Etats-Unis). Hier encore, M. Trichet nous le répétait. Lisez les journaux : fini le discours sur la soi-disant « fausse inflation ». Manifestement, ça ne prend plus. Et pour cause :

Avez-vous fait le plein pendant les vacances ? 97 € à mon dernier passage à la pompe. Et je n'ai pas une Ferrari ! Rien qu'une Renault qui me permet de déplacer ma petite famille.

Avez-vous rempli récemment votre caddie ? 259 € ma dernière livraison de Monoprix. Et ce que j'achète est un « panier de la ménagère » type. Eau, lait, yaourts, légumes, fruits, volaille, jus d'orange, compotes, riz, pâtes, chocolat, corn flakes, viandes, produits ménagers... aucun « extra », le tout pour cinq personnes. C'est un prix record ! Pourtant mon panier est toujours le même... J'espère pouvoir tenir le siège un certain temps !

Sincèrement, c'est la valse des étiquettes, dont je vois de semaine en semaine les prix grimper.

Une équation insoluble
Bernanke est pris en étau. L'activité US fléchit de plus en plus. La récession s'approche. La Fed n'a pas d'autre solution que de baisser son taux directeur pour soutenir ce qui reste d'activité et éviter le pire.

Par conséquent, il laisse le champ libre à l'inflation qui peut ainsi se développer tranquillement. Pour la contrer, il faudrait en effet relever les taux ! Inflation ou récession : il faut choisir. La pilule est amère. Et la pression inflationniste peut s'accroître.

Or qui dit pression inflationniste dit hausse de l'or. La corrélation est directe, franche et positive. Presque mathématique...

Or et inflation, main dans la main
Regardez le passé, c'est toujours très instructif. Durant la période 1977 à 1980, le taux d'inflation américain était supérieur à 10%. Sur la même période, l'once d'or explosait de 100 $ à plus de 800 $ l'once. N'oubliez jamais que l'inflation est un formidable destructeur de valeur. Et l'or est une -- sinon la seule -- parade efficace. A l'époque, les investisseurs se sont rués dessus. C'était leur « bouée de sauvetage », leur « assurance tous risques ».

La bourse serait-elle en train d'intégrer la donnée inflationniste dans les cours ?
Voyez plutôt : le jeudi 20 décembre, le cours de l'once gambadait gaiement autour des 796 $. Le 24, il s'affichait déjà au-dessus des 800 $, à 808 $. Le 28 décembre, les 835 $ étaient atteints. Le 2 janvier, le seuil psychologique des 850 $ était pulvérisé et l'once arborait un fier 856 $. Bonne année !
Ce matin, l'or en est à 873 $ l'once. On ne l'arrête plus... En moins de vingt jours, il a gagné plus de 80 $ l'once.

Pas de pause pour les braves
C'est très intéressant comme phénomène. Habituellement, les périodes de fêtes sont calmes. Les investisseurs privés font une pause et les marchés sont peu actifs.

Pourtant, cette année, les professionnels ont profité de ce répit pour se positionner sur l'or avant les autres et relancer sa tendance haussière. Et dès les premiers jours de janvier, les absents et les retardataires ont suivi, renforçant le mouvement de plus belle à force de vouloir prendre le train en marche.

Dans l'absolu, cela ressemble fort à un rebond spéculatif qui normalement doit rapidement se dégonfler. Mais étant donné la situation économique US et l'inflation menaçante, j'en doute. Si pause il y a, elle devrait être de courte durée.
Monsieur le Marché nous dira tout cela en 2008. Comme toujours, c'est lui qui décide en dernière ressort. Et toutes mes intuitions, anticipations, et pronostics ne pourront rien contre sa volonté.


L'or et l'inflation : main dans la main... (II)
Isabelle Mouilleseaux

Je profite de cette deuxième partie pour vous soumettre deux graphiques, afin que vous puissiez visualiser la corrélation entre or et inflation. Si vous les superposez mentalement, vous verrez que l'arrivée de l'inflation est annonciatrice de hausse de l'or.

Sur le graphique ci-dessous, vous pouvez reconnaître deux vagues successives de forte hausse des prix à la consommation aux Etats-Unis.

Première vague : 1972 et 1975. Le taux d'inflation passe de 3% à 11%.

Seconde vague : 1976 à 1980. Le taux d'inflation passe de 5% à presque 14% l'an.

Maintenant, regardez le cours de l'or sur la même période. En rouge, l'évolution du cours de l'once en dollars d'aujourd'hui. L'once d'or se réveille en 1972. Il cote alors quelque 200 $ (moins de 100 $ si vous tenez compte de la valeur du dollar à l'époque).

Il entame une première vague haussière jusqu'en 1975 pour atteindre un premier record à presque 800 $ l'once (200 $ en dollars constants).

Puis une seconde vague, bien plus violente, se déverse sur la bourse entre 1977 et 1980, propulsant le cours de l'once de 400 $ à 1 700 $ l'once.

Entre les deux vagues, le taux d'inflation chute fortement, et l'once d'or le suit dans sa dégringolade.

Pourquoi la première vague est-elle moins intense ?

La deuxième vague est plus forte tout simplement parce qu'en 1973, Nixon rompt le lien entre l'or et le dollar. A partir de 1974, les investisseurs privés américains peuvent eux aussi acheter de l'or sur les marchés, au même titre que les professionnels, ce qui n'était pas le cas avant. Auparavant, le particulier n'avait accès qu'à la bijouterie ou aux pièces d'or s'il voulait investir dans l'or...

Progressivement, les particuliers américains sont arrivés sur le marché -- et ils seront de plus en plus nombreux dans les années qui suivent.

Un peu de science-fiction : dans quatre-cinq ans, je vous montrerai l'évolution du taux d'inflation entre 2007 et 2012. Si inflation il y aura eu, je serais bien curieuse de savoir ce qu'aura entre temps été le parcours de l'or...

Surtout qu'il a beaucoup d'autres raisons de grimper, en plus de l'inflation...