vendredi 26 octobre 2007

Le yen, le yuan et le franc suisse profiteront de la déchéance du dollar


par Bill Bonner
Jeudi 25 Octobre 2007

** "Permettez-moi de souligner l'ironie de la situation", a déclaré Guido Mantegna, ministre des finances brésilien, aux journalistes lors d'un récent pow-wow mondial... "Des pays qui étaient des références en termes de bonne gouvernance, de modèles et de codes pour le système financier" sont désormais des nations où les problèmes menacent de couler la prospérité mondiale.

* Mais qui donc pouvait-il avoir en tête ? Pas les Etats-Unis, tout de même... le pays qui, depuis 20 ans, pointe un doigt réprobateur sur toutes les économies boiteuses de la planète ?

* Les Américains vont devoir s'y faire. Au lieu de donner des leçons aux autres, ils vont sans doute devoir en recevoir. Et il ne manquera pas d'économistes, dans les autres pays, pour leur en offrir.

* Pour l'instant, ils peuvent les ignorer. Les actions ne vont pas si mal. Les prix de l'immobilier n'ont baissé que de quelques pour-cents. L'économie semble toujours se développer.

* Ni les investisseurs ni la presse financière n'ont encore réalisé ce qui est en train de se passer : la destruction constante de l'économie américaine.

* "Je sors mon argent des actifs US", déclarait notre vieil ami Jim Rogers lors d'une conférence à Amsterdam.

* Tout ton argent, Jim ?

* Jim disait qu'il sortait TOUS ses actifs des Etats-Unis.

* Pour les mettre où ?

* Jim Rogers apprécie les matières premières, le renminbi chinois, le franc suisse et le yen japonais.

* En ce qui concerne les matières premières, Jim s'est déjà exprimé à maintes reprises sur le sujet. Nous avons souvent répété ses commentaires, à la Chronique Agora, parce que nous sommes du même avis. Les banques centrales peuvent créer autant d'"argent" qu'elles le veulent. Mais elles ont plus de mal à créer plus d'étain, ou plus de soja, ou plus de pétrole. Et chaque jour qui passe, on trouve de plus en plus de gens qui veulent de l'étain, du soja et du pétrole. La population s'accroît. Non seulement ça, mais les peuples de la planète -- en dehors des Etats-Unis et de l'Europe -- gagnent de l'argent. Et ils sont prêts à en dépenser une partie pour améliorer leur niveau de vie. Ils nous font concurrence, en d'autres termes, non seulement dans le domaine de l'emploi... mais également pour la nourriture, le transport, l'énergie, le logement et les produits de luxe.

* L'économie chinoise devrait grimper de 11,7%, cette année -- soit près de quatre fois la croissance de l'économie américaine. Naturellement, les salaires réels grimpent en Chine. Selon Rogers, on ne peut pas se tromper en investissant dans le yuan ; d'après lui, il devrait doubler ou quadrupler dans les années qui viennent. Il apprécie également le yen et le franc suisse, parce que, selon lui ils ont été "réduits en poussière" par le carry trade. Ce dernier doit prendre fin un jour. Et quand ce sera le cas, tant le yen que le franc grimperont.

** L'Argentine a eu beaucoup de conseils de la part des Etats-Unis, au cours des ans. Il faut baisser les impôts, disait une équipe. Il faut les augmenter, disait une autre. Il faut lier la devise au dollar, affirmait un groupe de conseillers. Il faut complètement se "dollariser", affirmaient d'autres.

* Mais regardez ce qui arrive en ce moment ! Rodrigo Rato, président du FMI, a déclaré à des journalistes que le dollar US représentait un risque grave pour l'économie mondiale toute entière. "Une chute abrupte du billet vert", a-t-il dit, "pourrait engendrer une perte de confiance dans tous les actifs libellés en dollars US", ce qui déstabiliserait les marchés mondiaux.

* "Ses paroles contrastaient avec les déclarations du secrétaire au Trésor US, Henry Paulson", continue l'article, dans le Buenos Aires Economico. "[Ce dernier] assurait au groupe [de ministres des finances] que la vigueur du dollar était garantie, et qu'il était optimiste quant à l'avenir de la devise américaine".

* Qui veut se "dollariser" ? Même ici, en Argentine, l'économie est en plein boom. La production industrielle augmente désormais au rythme annuel de 8,8%, après avoir enregistré une hausse spectaculaire de 9,8% en août -- ce qui n'est pas loin d'égaler la Chine. Et on n'y constate aucun des excès qui affligent la Chine. Les gens ne font pas la queue pour ouvrir des comptes-titre. Les chauffeurs de taxi ne donnent pas de recommandations boursières. L'économie ne dépend pas de la vente de choses à des gens qui ne peuvent pas se les permettre. Il n'y a pas beaucoup de crédit, sous quelque forme que ce soit. Si vous voulez acheter une maison -- vous devez presque avoir la somme totale en liquide.

* Devinez ce qui nourrit l'économie argentine. La finance ? L'immobilier ? Les dépenses de consommation ? Non, c'est l'industrie automobile ! Imaginez ça... C'est si pittoresque ! Ils fabriquent des choses !

* Ou ça, encore : l'emploi est en hausse. Les heures de travail grimpent. Et les salaires augmentent au rythme annuel de 20%.

* Bien entendu, on ne peut pas avoir de salaires grimpant si rapidement sans inflation. On dit que le taux d'inflation dépasse les 10%. Dimanche, des élections auront lieu en Argentine ; il y a des débats enflammés sur le degré de gravité de l'inflation. Mais ça fait du bien de voir les salaires grimper quelque part dans l'hémisphère ouest.

* Si l'Argentine continue de se développer... elle ne tardera pas à donner des leçons aux Etats-Unis.

* "Mais ils vont bien trouver le moyen de tout gâcher", nous a dit un chauffeur de taxi la nuit dernière.