mercredi 20 juin 2007

Le marché du café sens dessus dessous


Isabelle Mouilleseaux

A la maison, nous sommes gros consommateurs de « petits noirs ». Impossible d'écrire l'Edito Matières Premières sans avoir siroté au moins un café, voire deux, au préalable. Et puis c'est si simple de nos jours...

J'ai en effet investi dans une machine à café avec « capsules ». Elle a changé ma vie. Plus besoin de passer 10 minutes à récurer toute la cuisine après chaque passage de mon époux à notre ancienne machine expresso. Sachant qu'il peut en consommer 10 par jour, vous imaginez un peu les dégâts collatéraux ! J'appréhendais les week-ends...

Là où je n'ai pas la conscience tout à fait tranquille, c'est que ce n'est pas du tout écologique. Heureusement que le métal de ces capsules peut être recyclé !
Vous aimez vous aussi le café ? Alors ce qui suit peut vous intéresser.

Depuis des années... café rime avec surplus
Depuis des années, nous croulons sous le café. De 1998 à l'an passé, on a produit tous les ans plus de 100 millions de sacs de café (60 kg), alors que cela n'était arrivé que trois fois entre 1990 et 1997. Techniques plus sophistiquées, recours aux engrais et pesticides... tout y contribue.

Les entrepôts brésiliens (premier producteur avec 30% de la production) débordent habituellement de café. Et le Vietnam, second très grand producteur -- notamment de Robusta --, ne cesse d'accroître spectaculairement sa production depuis des années.

Voilà pour le trend de fond. Nous sommes en quelques sortes depuis le début des années 1980 dans un grand marché baissier.

Mais cela n'empêche pas les spéculateurs de le pratiquer de façon assidue. Car le trend a beau être baissier, le marché est très spéculatif, et les corrections succèdent aux envolées et inversement. Il y a de quoi faire...

Belle envolée à l'automne dernier
Depuis l'automne dernier, le marché du café est agité du fait du retour de l'enfant terrible : El Niño. Ce phénomène climatique inverse les courants chaud et froid dans le Pacifique sud, apportant grand froid et pluies sur l'Amérique du Sud notamment, et sécheresse sur les continents asiatique et australien.

Du coup, l'Arabica s'est envolé jusqu'à 1,29 $ la livre. On craignait le pire pour les récoltes brésiliennes de café. A l'époque, les autorités brésiliennes anticipaient déjà une production en baisse de 27% (récolte d'avril). Le Robusta affichait la même tendance

Par-dessus le marché, et comme si cela ne suffisait pas, l'Organisation internationale du café (OIC) s'alarmait début janvier devant la faiblesse des stocks brésiliens. L'OIC annonçait s'attendre à des récoltes 2006/2007 de 110 millions de sacs pour une demande évaluée à 120 millions de sacs. Soit un déficit de 10 millions de sacs.

Il n'en fallait pas plus pour faire massivement venir les fonds et spéculateurs sur le marché. Ils s'en sont donné à cœur joie, ont fait grimper le prix du café jusqu'à 1,29 $, ont empoché leurs plus-values et sont partis vers d'autres marchés spéculatifs -- sans doute le nickel ! Le café Arabica est alors entré dans une phase de correction en janvier, retombant à 1,01 $ début mai.

Mais voilà qu'aujourd'hui, il rebondit à nouveau. Ce marché est comme un enfant hyperactif. Jamais une minute de repos. Toujours en mouvement.

Vers une nouvelle envolée de l'Arabica ?
Les anticipations de mauvaises récoltes au Brésil sont de plus en plus précises. La récolte 2006/2007 devrait être la plus faible enregistrée depuis des années. Etant donné le poids du Brésil sur le marché, cela pourrait générer un déficit sur le marché du café. Alors qu'en janvier dernier on estimait ce déficit à quelque 10 millions de sacs (600 000 tonnes), on ajuste aujourd'hui à 8 millions de sacs.

Ajoutez à cela les anticipations climatiques d'air froid en provenance du Pôle sud qui pourrait venir s'abattre sur les 9/10èmes des régions productrices de café au Brésil en juin, et vous comprenez pourquoi les fonds et spéculateurs viennent à nouveau de « débouler » sur le marché de l'Arabica. Il y a des profits à faire...

N'oublions pas aussi que nous fonctionnons en saison inversée. Alors que nous allons bientôt fêter l'arrivée de l'été à grand renfort de musique le 21 juin prochain, le Brésil entre lui dans l'hiver, avec tous les risques climatiques que cela suppose. Les intervenants se positionnent toujours à cette période à l'achat pour « jouer » le froid qui pourrait venir s'abattre sur les caféiers. Un grand classique...

Le Robusta, véritable « moteur » pour le marché du café
Et puis le marché du café Robusta tire celui de l'Arabica. Très gros producteur de Robusta avec un tiers de la production, le Vietnam est confronté à bien des problèmes : l'offre a non seulement du mal à suivre, mais surtout elle présente des défauts de qualité importants. A tel point qu'on n'en veut pas en Europe !

Or les stocks de café sont actuellement relativement faibles, atteignant à peine 10% de la production mondiale. Et la demande, elle, ne s'essouffle pas. Les Etats-Unis et l'Europe (Allemagne en tête !) sont les plus gros consommateurs de café. Des accros du petit noir...

Il est alors facile de comprendre pourquoi le marché se tend. Sur un an, le cours du Robusta a gagné plus de 70%, passant de 1 100 $ à 1 900 $ la tonne. L'Arabica passait quant à lui sur la même période de 95 cents à 1,15 $ la livre, soit un gain plus modeste de 20%.

Que nous dit le graphique de l'Arabica ?

Il est relativement porteur. Le café Arabica a terminé sa correction entamée en début d'année et vient de se retourner. Il a en effet rebondi sur les 1,01 $ et va sans doute tenter de revenir vers son dernier point haut à 1,29 $. Le chemin ne sera probablement pas direct, mais il n'est pas non plus irréaliste. Le cours est actuellement remonté à 1,15 $.

En revanche, surveillez bien le seuil des 1,01 $. S'il venait à le franchir à la baisse, ce serait un signe franchement vendeur.

N'oubliez pas non plus que ce marché est très spéculatif. Un peu à l'image de celui de l'argent-métal. Il n'est pas fait pour les âmes sensibles.