lundi 14 avril 2008

Alexandre Rampa : Les hedge funds sortent d'une période des plus dangereuses. Est-ce fini?

Alexandre Rampa - Gérant de portefeuille chez 3A, Banque Syz & Co.


Le Temps: Les hedge funds sortent d'une période des plus dangereuses. Est-ce fini? Alexandre Rampa*: Je rentre d'une tournée à Londres et cela fait longtemps que je n'avais pas vu des gérants aussi moroses. Le mois de janvier a été difficile, février un peu meilleur et mars... terrible. Début mars la crise de liquidité [ndlr: les banques, en difficulté, arrêtent de prêter aux hedge funds] et la baisse continue des marchés avaient perturbé les positions «longues» [achat d'actifs] des fonds. Puis, à la fin du mois, au moment où le sauvetage de Bear Stearns calmait les craintes, le rebond des secteurs les plus vendus a touché les positions «short» [ndlr: pari sur la poursuite de la baisse]! Un double effet auquel s'est ajouté l'impact sur les marchés des liquidations par des hedge funds en déroute, à n'importe quel prix. En avril la situation s'améliore un peu. - Ces fluctuations de marché n'étaient-elles pas présentées jusque-là comme une météo prisée par les fonds spéculatifs? - Certes, la volatilité favorise les arbitrages. Mais pas lorsqu'elle devient extrême. Elle n'est alors plus exploitable, l'évaluation des actifs n'étant plus liée aux fondamentaux mais uniquement à leur manque de liquidité. Les gérants ne pensent qu'à une chose: non plus seulement préserver le capital de leurs clients, mais préserver leur activité! La tendance est donc à la réduction de l'effet de levier [ndlr: emprunts permettant d'amplifier leurs opérations] et la diminution des positions les moins liquides. - On espérait que les hedge funds recycleraient les actifs «pourris» dont les banques se déchargent... - Il y a de très nombreuses opportunités qui s'offrent aujourd'hui, mais personne ne veut faire le premier pas. Le marché du crédit reste paralysé, les volumes quasi inexistants. La phase de réinvestissement va prendre du temps et ce seront les plus grands intervenants qui donneront l'exemple. Och-Ziff Capital, Fortress ou encore Marathon lèvent des fonds pour racheter - à prix cassés - ces portefeuilles dont les banques sont trop heureuses de se débarrasser. Les ressorts ne sont cependant pas cassés et le deuxième semestre, puis début 2009, devraient receler de bons résultats. Après tout, les années ayant suivi la crise Enron ont offert des rendements incroyables pour ceux ayant saisi ces opportunités. - Comment les sélectionneurs de fonds s'adaptent-ils? - La priorité est d'éviter d'avoir en portefeuille un fond susceptible d'exploser. Ce qui signifie plus de contrôle des positions prises, un contact constant avec les gérants. On évite également d'accumuler les risques. Et diversifions. En gros, si on prend le risque de souscrire à un fond opérant sur des titres illiquides, on ne veut pas que celui-ci fasse appel à un fort effet de levier. Et inversement. La multigestion alternative présente ainsi une opportunité d'investissement forte, après avoir joué son rôle de protection de capital. Après tout, cette année, les hedge funds en général parviennent à limiter les pertes entre 3% et 5% quand les marchés plongent de 15%... *Gérant de portefeuille chez 3A, Banque Syz & Co.

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